Ça y est, mon travail d’auteur a été exposé pour la première fois dans un festival reconnu, celui des Promenades photographiques de Vendôme, classé par Jean-François Leroy, créateur de Visa pour l’image, dans son top 5 des festivals.
Le rêve de tout créateur photographe, sans doute.
Vendôme est pour moi l’histoire d’une rencontre, avec une femme, Odile Andrieu, sans qui je n’aurais jamais été sélectionné.
Elle m’a donné rendez-vous dans un café du côté de Montparnasse pour découvrir le projet « Et si le jazz est la vie », pas loin de la gare qui emmène directement à Vendôme, en moins d’une heure.
Dans une discussion débridée, nous avons évoqué aussi bien mes découvertes des six dernières années que mes chemins en culs-de-sacs, mes enthousiasmes débordants que mes interrogations répétées, l’engouement de certains spécialistes pour mes réalisations pluri-disciplinaires que la totale incompréhension d’autres professionnels.
Nous nous sommes attardés sur le mélange des genres et la difficulté à m’identifier dans notre société où tout est si bien calibré. Frèd Blanc photographe, mais pas que photographe ! Poète aussi, dessinateur, consultant, graphiste et même passionné de jazz, voire organisateur de concerts.
Moi qui me heurte régulièrement à des réactions similaires à celle de cette galeriste de renom qui se sent incapable de me vendre, pour la première fois j’entrais parfaitement dans une case, celle du questionnement de la 12e édition de ce festival : “Qui est photographe ?”
Tout au long de notre échange, Odile Andrieu parlait de mon travail au présent, comme si je faisais déjà partie de son univers. Je l’ai invitée à visionner les 6 premiers des 12 pœms-poèmes de mon projet et je suis allé discrètement me laver les mains, pour la laisser seule avec mes images en mouvements sonores…
… Six mois ont passé. Nous sommes le 25 juin, jour de l’ouverture du festival, et je me retrouve dans le métro en direction de la gare Montparnasse avec ma femme et mes deux enfants.
Elia, un peu tête en l’air, compte à voix haute et à l’envers le nombre de stations qu’il nous reste à parcourir. Un homme l’informe gentiment que pour se rendre à la gare de l’Est, d’où nous venons, il s’est trompé de sens. Nous engageons la conversation en plaisantant.
Quelques blagues plus tard, nous nous rendons compte que nous allons exactement au même endroit. De façon tout à fait improbable, parmi les centaines de voyageurs qui convergent ce matin-là vers la gare Montparnasse, nous venons de rencontrer Thomas Sauvin, collectionneur à l’origine du passionnant projet “Beijing Silvermine” exposé à Vendôme. Nous prenons ensemble le car qui nous y emmène.
Trois petites heures de route plus tard, je découvre mon lieu d’exposition : un cube bien blanc, accueillant la lumière et posé au centre d’un espace de circulation plus vaste.
Un présentoir à hauteur d’homme montre sur tablette un montage de mon intervention au colloque universitaire de la Sorbonne Nouvelle : “Dessiner (le) Jazz”, qui a eu lieu en novembre dernier à la Dynamo de Banlieues bleues.
Sur le premier mur extérieur de plus de six mètres de long, de grandes images graphiques, entre typos et dessins, viennent donner le ton de ce qui sera découvert plus tard dans les pœms (petites œuvres multi-media).
Sur la deuxième face, une tête de singe de trois mètres de haut nous invite à pénétrer dans ce lieu clos, sombre et noir. Une centaine de photos aux murs, recomposées par séries, évoquent les quatre thèmes des pœms-poèmes : espoir, errance, violence et évasion. Ces quatre mots qui m’ont obsédé tout au long de ces années de réflexion sans fin, jusqu’à maintenant.
Tout au fond, dans le coin droit, une tache blanche en angle, un bout de mur explicatif de mon approche, illustré de certains croquis de recherches et de cahiers de poèmes-dessins, introduit à la salle de projection des 12 pœms-poèmes.
Ces animations pluri-disciplinaires, qui tournent en boucle toute la journée, au rythme de la musique de Francesco Bearzatti et des voix de Claude Degliame, Camille Bertault, Jean-Claude Dreyfus et Sanseverino, donnent du sens aux images exposées dans la pièce précédente. “La musique fait très légèrement bouger les photos, leur donne vie”, m’a dit une femme de Vendôme visitant l’expo.
Pendant trois jours, je me suis autant régalé à expliquer ma démarche qu’à échanger avec les visiteurs, journalistes, organisateurs ou jeunes photographes qui, par leurs réactions, ont éclairé différemment la route sur laquelle je m’étais engagé.
Certains ont vu de la violence dans mes animations en noir et blanc quand d’autres m’ont parlé d’une balade intime, certains ont été dérangés, agressés émotionnellement par la succession des micro-univers, quand d’autres se sont laissés emmener avec légèreté dans un voyage sensoriel.
Des moments de vie, une atmosphère inattendue, du plein la tête : ils ont tous trouvé un bout de quelque chose qu’ils se sont approprié, avant de disparaître dans le contre-jour du grand manège de Vendôme. “Et si le jazz est la vie” ne semble pas avoir laissé indifférent.
Quand je n’ai pas oublié de le leur donner, les visiteurs sont repartis avec le badge de l’exposition ainsi qu’un flyer leur rappelant, entre autres, la parution de l’ouvrage “ Et si je jazz est la vie” pour la fin de l’année. J’espère que vous aurez autant envie de le découvrir que j’ai eu plaisir à le concevoir, pour laisser une autre trace, imprimée cette fois-ci.
J’étais à nouveau dans le car, celui du retour, seul avec ma fille, mon fils et ma femme étant rentrés plus tôt pour leur répétition de théâtre. Je feuilletais le catalogue de Vendôme, qui m’a octroyé deux très belles doubles pages, et j’y ai revu avec plaisir le portrait du singe, ce même singe qui a fait le recto d’une des cartes postales du Festival, ainsi qu’une des affiches exposées dans la rue piétonne de la ville.
En m’assoupissant lentement, je rêvais déjà au prochain Sunday jazz loft, spécial “Et si le jazz est la vie”, celui du 25 septembre 2016, où Camille Bertault chantera mes poèmes, accompagnée par la musique composée pour l’occasion par Francesco Bearzatti (sax tenor, clarinettiste) Federico Casagrande (guitariste), Thierry Eliez (pianiste) et elle-même, sur les projections des pœms-poèmes réinventées par le vidéaste Matthieu Desport.
Les yeux fermés, le temps de cet instant suspendu, j’ai réalisé à quel point ce fut une grande aventure humaine, entourée de talents, que j’ai pu vivre au travers de ce projet fou, qui m’a complètement submergé et souvent même dépassé.
Une fois arrivé chez moi, je me suis totalement écroulé. J’ai dormi plus de 13 heures d’affilée. Je devais sûrement être fatigué d’avoir enfin déposé ce projet au regard des autres…
… Trois mois se sont écoulés. J’avais prévu de revenir à Vendôme, d’y emmener des amis, de passer une fois au moins saluer en famille le singe qui veillait sur l’entrée de ma salle d’expo. Mais le temps a défilé comme il sait si bien le faire et le festival ferme ses portes aujourd’hui, dimanche 18 septembre, sans que nous ayons réussi à y retourner. C’est ainsi et ce n’est pas grave : le travail déposé là-bas aura vécu sa vie.
Le SJL spécial “Et si le jazz est la vie”, lui, a lieu dimanche prochain.