C’était rouge, rouge musique, rouge jazz, un rouge très caractéristique avec un Francesco Bearzatti qui avait immédiatement pensé à un violoncelliste, avec un Vincent Courtois donnant le la, ici, en plein rouge lumière de spots habillés pour l’occasion de changer l’ambiance chromatique des Sunday jazz loft.
Une thématique qui ose tout, banderoles rouges tombant sur les côtés des bibliothèques, présentation en nez de clown avec un premier poème très rouge Rothko.
Une thématique qui permet tout, du rouge colère au rouge amour en passant par toute une palette d’autres rouges, des rouges sensuels aux rouges grinçants.
Une thématique que l’on retrouve presque partout, du rouge vestimentaire de ceux qui l’ont imaginé en dress code, jusqu’au rouge fromage anglais pimenté qui se fera découper en tranches larges après le concert, avant d’être posé sur des assiettes aussi rouges que les serviettes.
Ces rouges violents ou rouges doux, ils sont tous passés par les instruments de Francesco et de Vincent, tantôt sax tantôt clarinette pour le premier, et archet ou doigts à même les cordes pour son invité.
Des sons, des harmonies, des dissonances, des mélodies, toutes les possibilités se sont croisées dans cette performance où le premier morceau a duré plus de 35 minutes. 35 minutes d’une puissance hors norme, où chacun des deux musiciens rebondissait sur la proposition de l’autre, avec l’évidence et la légèreté d’un dialogue continu et profond.
Puis plusieurs autres morceaux se sont enchaînés dans un suspens en dehors de toute temporalité connue, où les deux musiciens sont partis très loin, l’un à côté de l’autre, ensemble, dans une concentration à l’égal de leur écoute pour les notes de leur partenaire.
Propulsés par un souffle commun, ils se sont ensuite engouffrés dans une ultime idée, une idée de Vincent où Francesco s’est amusé, comme il l’a fait tout au long du concert, à réinventer la proposition de son camarade, à l’emmener ailleurs, à lui donner un autre souffle.
Les applaudissements se sont ensuite abattus en rafales d’une jouissance tout aussi rouge que celle du temps des cerises que la musique avait effleuré.
Alors je me suis levé, je me suis rhabillé de mon nez de clown, ma fille Esther en a fait autant et nous avons basculé dans mes deux poèmes en rouge, dans des mouvements lents, très clowns, pour incarner tout d’abord un regard enfantin sur le rouge rejeté par une mère, pour exprimer ensuite une nourriture rouge et verte très nature. Puis, de dos, j’ai entendu les applaudissements. Étaient-ils rouges ? Je ne sais pas, mais ce dont je suis sûr, c’est qu’ils étaient agréablement colorés.
Je me suis retourné et j’ai passé la scène à mon fils. Elia, tout aussi en blouson rouge qu’en nez rouge, s’est lancé dans un sketch où il a pris à partie ceux qui n’étaient pas de rouge vêtus, avant d’exprimer son rejet de cette couleur, dû à une grand-mère qui déteste le rouge. Avec humour, gravité et douceur, il a à son tour évoqué toutes les teintes de rouge… avant de promouvoir mon livre sur le jazz, ce qui n’avait évidemment aucun rapport. Quel bon vendeur !
La soirée a continué, bousculant les habitudes des chaises à ranger et du buffet à dresser pour nous faire vivre presque sans transition un after où la pianiste russe Julia Perminova puis la guitariste italienne Roberta Roman se sont mises à jouer spontanément, avant que tout le monde chante dans un italien plus ou moins franchouillard…
Il y eut même quelques notes d’Esther au piano, sans peur et sans partition. Mais avec Vittorio Nozza.
Le rouge s’est éteint quand tout le monde s’est effacé de cette couleur aux variations multiples.
Prochain Sunday jazz loft le 02-02-20, le rouge codera la place à l’envie, alors si vous avez envie, il ne vous reste plus qu’à….
Ne pas voir rouge.