Les préparatifs de ce Sunday jazz loft se sont déroulés avec beaucoup de douceur, dans une totale harmonie, cette harmonie si rarement présente dans les heures qui précèdent les évènements.
Tout était bien en place, au bon moment, pour que cette journée se déploie encore mieux que nous ne pouvions l’imaginer. Ce qui fut réellement le cas. Aucun dérapage ni accélération de dernière minute, juste une succession de moments inédits.
Matthieu était déjà passé en début d’après-midi placer les caméras pour la captation vidéo. À sa venue, j’avais déjà finalisé la préparation du buffet. La cuisine était propre, le pain coupé.
Francesco, le maître de la musique, est arrivé très tôt cette fois-ci. Si tôt qu’il était même en avance, un véritable exploit pour cet homme qui vit à un rythme où les heures semblent plus élastiques pour lui que pour les autres.
Même si cela ne devait finalement pas servir à grand chose – mais je ne le savais pas encore – nous avons pu répéter tranquillement mes deux traditionnels poèmes, ces textes que j’allais dire en fin de concert sur ses impros au piano.
Cette répétition flash m’a toutefois permis de placer ma voix dans cet espace encore vide de monde, mais déjà plein d’une belle énergie et d’un nombre certain de chaises en attente de compagnons.
Le temps d’une éclipse éclair afin de me rafraîchir et de me glisser dans une tenue très Sunday jazz loft, et j’entendais déjà le piano s’exprimer, dirigé par les doigts agiles de Giovanni Mirabassi. La séance de répétions venait de commencer.
Je gravis d’un coup les quelques marches qui nous séparaient et je commençais tranquillement mes premières photos, ce qui me permit d’assister, une fois n’est pas coutume, au choix des morceaux qu’ils allaient offrir à nos oreilles gourmandes de leurs échanges artistiques.
16h50, le premier invité était là, puis les autres suivirent dans une lenteur très estivale, qui s’étala jusqu’à une heure tardive, sans violence. Il fallut même que j’aille chercher une grande partie du futur public sur la terrasse extérieure, pour qu’il remplisse le salon de musiques à venir.
Après mes quelques mots d’introduction, les échanges Bearzatti-Mirabassi allaient démarrer, quand Francesco nous apprit ceci : depuis que sa clarinette avait fait le bonheur d’un personnage pas vraiment honnête, il n’avait plus trouvé chaussure à son pied, ou plutôt clarinette à son bec. Il n’était donc venu accompagné que de son sax, une déception pour certains, vite effacée au lancement de la première note, qui emplit tout l’intérieur du loft.
Ça y était, nous venions de basculer sans nous en rendre compte au pays des SJL, entre ces jeux d’harmonies-dissonances saxophonistes et ces chuchotements vocaux accompagnant des doigts tout piano, entrecoupés de claquements manuels réalisés par toute une série de couples de mains pleines de bonheur.
Puis le rythme se déploya, les sons s’amplifièrent et les musiciens frôlèrent le 7e ciel du sixième étage.
Tic-Touc-Tac en sax, puis Tac-Tic-Touc en piano, avant que les superpositions de Tac-Touc ou Tic-Toc accueillent une femme tout cheveux rouges, qui se mit à faire chanter le sol à coup de claquettes sous chaussures blanches et jupe volante en tulle. Tic, Touc, Tac, Toctoc sans fin annoncée, sur les départs successifs en caravanes de Tocs-Tics et de Toucs-Tacs appartenant à Ghislaine Avan.
Que d’images musicales en tête ! Clic-clac, une fois de plus dans la boîte, mais au niveau des pieds cette fois-ci, même des semelles.
Après la phase des standards refermée par un solo de sax au touché reconnaissable entre tous, vint le temps d’une composition de Giovanni Mirabassi en première mondiale, un morceau qu’il venait tout juste d’écrire la semaine précédente.
Comme Francesco avait besoin d’un pupitre il prit ma fille, Esther, dans le rôle du “tiens-moi la partition que je ne connais pas encore”. Nous avons donc eu la chance, en première mondiale une fois de plus, d’être en présence d’un pupitre humain, qui de plus rigole.
Puis des Pim Pam Pom, respirations et squats de Victoria Rummler accompagnèrent les musiciens, ou l’inverse, dans une ivresse de fin de concert jusqu’à plus soif de sons, avant de plonger dans une musique italienne, la dernière, celle d’un été d’octobre, du nom d’Estate, un été en italien.
Francesco m’a ensuite appelé pour que je dise mes deux poèmes-souvenirs du dernier Sunday jazz loft, et j’ai eu la surprise de voir Thierry Eliez, qui venait de jouer Smile de Charlie Chaplin avec Francesco et Victoria, rester au piano.
J’ai dû m’adapter à d’autres mains qui allaient improviser peu importe quoi, et au lieu d’être inquiet, je me suis envolé. Je ne sais pas si ce que j’ai interprété était intéressant, mais ce que je sais, c’est que je me suis amusé…
Le bonheur du Sunday jazz loft ne faisait que prendre toute sa place, et il continua à s’installer avec des bœuf post-concert autour du piano, où de plus timides se mirent à chanter ou à guitariser, formant un groupe encore plus intime… pendant que d’autres dansaient jusqu’à en vider toute l’énergie qui leur restait, avant le prochain SJL, avec vous ses aficionados.
Très belle chronique divinement illustrée !