C’était en 2004. Il y a 19 cartes de vœux de cela, je réalisais la première – célébration graphique et photographique de la nouvelle année – pour l’entreprise de gestion de patrimoine de mon ami Patrick Ganansia.
L’art étant déjà à l’époque omniprésent dans sa vie, il l’était naturellement aussi dans son entreprise où je m’occupais depuis quelques années de la communication.
Lors de l’un de nos échanges, nous avions eu l’idée de donner carte blanche à des artistes afin qu’ils transcendent, avec leur écriture picturale, le métier de la gestion de patrimoine.
Quatre peintres se sont succédés pour relever ce défi : Antonio Segui, Peter Klasen, Richard Texier et Philippe Cognée.
Pour l’un ce fut la réinvention d’un coffre-fort, pour un autre la renaissance d’une ville moderne.
Quatre rencontres exceptionnelles où j’ai pu fixer photographiquement chaque tableau en cours d’élaboration, où j’ai pu échanger avec chaque artiste sur les raisons qui les poussaient à réaliser une telle œuvre. Où j’ai pu arrêter le geste de leur main en train de poser une touche de couleur sur la toile.

REVENONS À ANTONIO SEGUI.
Je me rappelle très clairement de mon arrivée en bas de chez lui avec Patrick. Nous nous trouvions quelque part à Arcueil avec deux adresses en poche. L’une était celle de son domicile, l’autre celle de son atelier.

Un homme aussi moustachu que jovial nous a accueillis à la porte de l’atelier avec un fort accent d’Amérique du sud. C’était Antonio Segui en personne.
Mon cœur battait à la vitesse “je rencontre un artiste”, au rythme accéléré de “je pénètre dans le lieu de sa création, à ses côtés”.

Pendant que Patrick discutait avec lui, j’ai observé chaque angle de son atelier. Petit à petit je me suis enfoncé dans le moindre de ses recoins, jusqu’à croiser un groupe bien ordonné de petits personnages-sculptures qui se sont imposés à moi. J’ai fait leur portrait. Un portrait de groupe.

Notre hôte nous a finalement présenté son tableau en construction. Au milieu de la toile se trouvait le bâtiment de la bourse entouré d’immeubles, de grues et de rues bondées d’hommes d’affaires se dirigeant vers leurs objectifs à atteindre.

Paradoxalement, avec ses petits personnages si particuliers et son écriture presque enfantine, Antonio Segui est arrivé à nous plonger au cœur des métiers de la gestion de patrimoine.
Avant que nous ne partions, il nous a fait entrer dans son appartement pour nous montrer sa collection de masques africains. Et pas n’importe laquelle. Toute une vitrine format musée où des masques de tailles et de styles différents se répondaient. Je ne parlais plus. Je découvrais l’une de ses inspirations. Je comprenais mieux alors l’existence de ce toujours même personnage traversant ses tableaux. Une sorte de personnage masqué : l’homme moderne. Je me délectais devant sa collection au point d’oublier d’en faire une photo ou deux.

Deux ans plus tard, je suis revenu voir Antonio Segui avec mon fils de trois ans. Je lui apportais quelques tirages des photos présentes dans la carte de vœux. Étais-je venu pour le croiser à nouveau, pour compléter mon souvenir photographique, ou pour éveiller le regard de mon fils sur l’art ?
Un peu des trois sûrement.
