.. J’ai décidé alors de plonger dans mon enfance. Celle de mes vacances d’hiver. Celle que j’avais vécu là-haut. Il y a si longtemps. Dont les souvenirs sont restés toujours aussi frais.
J’ai commencé à chavirer dans un trop plein d’informations devant tant d’images, de formes et de mots revenus lentement à la surface. Comment arriverais-je à les raconter sur la pellicule ? Comment représenter le froid en photo ? Comment raconter l’excitation de l’enfant que j’étais ? Comment illustrer l’attente de ces vacances d’hiver ? Comment, comment et encore comment ?
Comment arriverais-je à rendre photogéniques ces bribes d’hier qui ne l’étaient pas ? C’est là que la véritable aventure a démarré.
J’ai inauguré un petit cahier vert qui m’a suivi jusqu’à la fin du projet. J’ai tout noté à l’intérieur : contacts, souvenirs, rencontres et même ce que j’avais oublié. Tous ces petits riens qui ont fait mon enfance, qui ont fait que ce là-bas est chez moi pour toujours. Qui ont fait qu’un livre sur Avoriaz était en marche.
Petit à petit le projet s’est construit. Pendant deux saisons je suis monté à Avoriaz toutes les trois semaines. Et je rentrais à Paris avec 20 à 30 rouleaux de photos. En développant les films, j’ai vu rapidement que des images se répétaient. « Encore des télésièges » disait ma documentaliste à ma femme en rigolant. C’était vrai, mais les télésièges sont photogéniques. J’oubliais en revanche les ambiances de rues, thématique que j’affectionne tout particulièrement d’habitude. Images qui ne se présentaient pas à moi dans les rues enneigées de la station. Ou plutôt que je ne voyais pas.
J’avais aussi envie de me confronter à deux styles photographiques que je ne connaissais pas bien : le paysage et l’architecture. Ces immeubles que j’avais essayé de photographier à l’époque de l’école (ESAG) et qui étaient restés une énigme depuis. Et cette nature qui semblait évidente quand je la regardais et imprenable une fois l’appareil prêt à cadrer. Puis à force d’images refaites et refaites avec générosité, j’ai effleuré des solutions.
Photographier le gigantisme de la montagne. Cette forme d’infini qui s’efface dans le blanc sans jamais s’arrêter.
Photographier l’un des rêves humains : celui d’apprivoiser cette montagne, parfois révoltée, parfois adoucie. De la dompter grâce à ces immeubles dressés contre vents et tempêtes de neiges.
L’excitation me guidait. Je découvrais tant de choses. Je rencontrais bien des personnes qui m’aidaient à recomposer cette histoire particulière.
En plus de photographier, je me suis mis à écrire puis à dessiner. De nouvelles idées venaient compléter ce tableau d’enfance.
Et à chaque retour sur Paris, il me semblait qu’il me manquait encore des images. Qu’il fallait y retourner à tout prix car j’avais oublié là-haut l’essentiel. Un télésiège peut-être…