18h pile, le 11 janvier 2012 au Théâtre du Châtelet, côté musique
…Comme à chaque veille de concert, j’appelle Francesco sur son portable français pour connaître le déroulement de la soirée à venir. Pour la première fois j’ai en retour une réponse extrêmement succincte composée d’un horaire et d’un lieu : 18 h, théâtre du Châtelet.
Le lendemain, à l’heure dite, j’aperçois Francesco à la terrasse du café jouxtant la salle de concert. Je m’approche, il est rayonnant et m’annonce que l’on ne peut pas entrer avant 19h30. J’ai 1h30 à perdre.
Comment remplir cet espace de temps non programmé ? Je me retrouve devant un vide de liberté à combler comparable à ce que l’on doit ressentir en haut d’une falaise abrupte. Que faire ? Je repense à cette idée qui a traversé mon esprit quelques minutes auparavant en pédalant jusqu’ici : formuler les moments forts de ma rencontre avec Francesco. Et si je mettais ce projet à exécution maintenant ? Oui, mais où aller ? Je me sens alors totalement démuni.
Après avoir tourné dans le quartier sans trouver un lieu qui me convienne, je m’installe dans un fast food dont je tairai le nom. Je pose mes premiers souvenirs qui datent d’un an déjà tout en me remplissant d’une nourriture insipide. A peine ai-je démarré qu’il est déjà temps de retourner d’où je viens.
Francesco porte une veste et une chemise. C’est la première fois que je le vois habillé ainsi. Ça change de ses tee-shirts aux effigies de musiciens connus, comme Jimmy Hendrix qui prend plus de place dans mes photos que son propre visage. Entouré de ses parents, il entre dans le Châtelet et disparaît dans la foule. J’essaye de le suivre tant bien que mal, mon vélo plié à bout de bras, me faufilant entre les futurs spectateurs venus assister à la remise des prix de l’Académie du Jazz 2011.
La cérémonie s’étale en longueur. Francesco attend son tour dans le couloir, il ne semble pas vouloir entrer dans la salle. Il me fait comprendre à plusieurs reprises qu’il est stressé. Je ne dis rien et décide d’aller faire des photos de l’autre côté de la porte pour le laisser tranquille.
Puis arrive son moment. Après un discours de circonstance, il passe aux aveux musicaux qui illustrent avec brio l’évidence de sa nomination. En soliste, il m’étonne une fois de plus avec son jeu différent, toujours aussi personnel. Au deuxième morceau, il est accompagné d’une chanteuse, Cristina Zavalloni qui cale sa voix sur sa musique destructurée. Francesco joue avec ses deux instruments en même temps, son sax dans une main, sa clarinette dans l’autre, les deux dans la bouche. Un son particulier en sort. C’est sublime. Acclamation du public.
Il est heureux. Tout sourire, son père à sa gauche, sa mère à sa droite. Puis c’est la photo traditionnelle des récompensés, pour l’un des journaux nationaux de jazz. Nous finissons la soirée dans un couscous avec Cristina et son attachée de presse. Trop fatigué, il ne parle pas, mais le dîner s’achève lentement dans la bonne humeur. Je rentre à vélo, je sais que la semaine prochaine Francesco va improviser sur mon premier diaporama sonore (pœm) dont le montage vient d’être achevé avec Matthieu Desport aux manettes. Je suis impatient d’entendre mes images parler en musique.
Quel sentiment fort !
¡Precioso! Qué manera más hermosa de compartir vivencias y sensaciones.