Mais où, mais où s’arrêteront-ils, mais où ne s’arrêteront-ils jamais, jamais de la vie, de la vie des Sunday jazz lofts ?
Pourtant un jour ils s’arrêteront. Ce n’est pas encore pour aujourd’hui et c’est tant mieux.
Francesco, le maître de musique, a invité pour la 9e session Franck Avitabile, pianiste qui oscille entre sa formation classique et ses dérives jazzistiques. Avec un charme particulier, comme celui d’arriver au concert en chemise-veste-rollers, avec lacets de couleurs, pas ceux des rollers mais ceux de ses chaussures, j’adore…
Mais pas que : Franck Avitabile c’est aussi une dextérité à toute épreuve. Il faut l’entendre s’approprier le piano en voyageant chez les plus grands qu’il revisite avec virtuosité.
Cependant pour l’instant les musiciens n’ont pas commencé à jouer, et vous le public, vous n’êtes même pas encore arrivés.
Dans la salle qui ressemble encore un peu à mon salon, Francesco et Franck apprennent à se connaître par le truchement de leur instrument et de leurs morceaux de prédilection. Tout en étant très différents, ils délimitent petit à petit le terrain sur lequel ils vont s’exprimer, à deux, se passant la note en regardant l’autre la tordre dans tous les sens, avant de la récupérer à la volée.
Alors que je finalise l’organisation, qui s’est étalée comme d’habitude sur une quinzaine de jours, vous arrivez tous, d’un coup, d’un seul. Vous êtes encore plus nombreux, encore plus avenants, encore plus souriants que les fois précédentes. Je vous tutoie alors tous comme si je vous connaissais depuis longtemps. C’est peut-être d’ailleurs le cas.
C’est là que je me suis rappelé pourquoi j’organisais les Sunday jazz lofts. Pour vous, pour votre présence, pour votre plaisir, pour ce tout magique qui s’écoule en quelques heures mais qui vit en moi pendant bien plus longtemps. J’imagine en vous aussi. Après ces interrogations et ces doutes sur le fait de passer de longues nuits sur la liste des participants, le programme à venir ou les photos du Sunday jazz loft précédent, tout faisait à nouveau sens.
Le rythme de cette fin d’après-midi s’est précipité d’un coup. Vous avez cherché vos assises, celles qui vous convenaient le mieux, en haut, en bas, sur le côté ou sur les marches. Pour certains même, debout. Je me suis alors retrouvé projeté devant ma cheminée, en dessous d’une main géante prête à enfoncer des touches de piano, ou à écraser le haut de mon crâne. Heureusement elle était enfermée dans une photo.
J’ai pris le traditionnel programme, j’ai lu son introduction que vous ne devez que très rarement parcourir, ce qui m’a permis d’être succinct, puis je me suis effacé derrière mon boîtier photographique.
Francesco s’est alors baladé dans l’univers de Franck, avec Franck, dans une aisance bien à lui, même quand il a joué un morceau de Michel Petrucciani, une pièce qu’il n’avait pas interprétée depuis plus de 15 ans. Et le piano a décidé de grincer de la pédale, ce fut agaçant pour certains, distrayant pour d’autres, présent pour tous, et oublié aussi vite.
Le concert touchait déjà à sa fin quand Camille Bertault est venue chanter, pour la deuxième fois consécutive, dans une connexion totale avec l’esprit Bearzzatien, avant que Benjamin Moussay, l’invité du Sunday jazz loft précédent, interprète un morceau à quatre mains avec Franck. Grande folie musicale, ils se renvoyaient la note avec légèreté, dans un temps suspendu et les applaudissements qui ont suivi ne voulaient pas non plus s’achever.
Puis comme d’habitude, j’ai lu mes deux textes poétiques, ceux du programme, dans la douceur de cette fin de concert, avant que les chaises ne se plient, que le buffet ne se remplisse, que les assiettes ne se vident, que les participants ne s’éclipsent au compte-gouttes.
Quand il n’est resté que quelques personnes, un musicien vénézuélien, Léo Rondon, qui était arrivé en retard par une autoroute bloquée pour cause d’accident, a accompagné Francesco à la guitare, dans un style très cuatro, l’instrument national de son pays. L’after a continué dans des impros plus verbales, mais tout aussi musicales. Merci Monsieur Patrick Borg. Certains se sont même mis à danser. Et si ce n’était déjà plus le concert, c’était plus que jamais un véritable Sunday jazz loft, comme les affectionne Francesco.
A bientôt pour le prochain. Je peux déjà vous dire qu’il aura lieu le 8 novembre avec … Gardez-le pour vous, et merci encore de croire dans ces aventures successives et improbables.
Alors jusqu’où ne s’arrêteront-ils pas jamais ?